Emmanuel de Lescure
MCF, Université Paris Descartes, CERLIS (UMR 8070)
En 45 ans la part des adultes qui a eu accès à la formation continue en France n'a cessé de croître, elle a été multipliée par deux et atteint aujourd'hui environ la moitié de la population.Cet essor de la formation continue doit s'appréhender comme le produit d'une offre institutionnelle, fruit de choix politiques. Aujourd'hui, la formation semble s'imposer à tous comme une nécessité pour maintenir son employabilité. Cependant, malgré cette croissance continue, de nombreuses études ont souligné l'importance des inégalités d'accès à la formation liées à la formation initiale, à la catégorie sociale, au statut d'emploi, au genre, au secteur d'activité, au type d'employeur... La prise en compte de cette situation a conduit les pouvoirs publics à développer une individualisation de la formation avec la création d'abord du droit individuel à la formation (DIF) puis du compte personnel de formation (CPF) et le recours à des outils numériques pour mettre en relation d'éventuels bénéficiaires avec l'offre de formation.
Dans cette communication, je me propose d'examiner cette situation en inversant le regard sur les inégalités d'accès et en portant attention, non plus sur les bénéficiaires de la formation mais sur les personnes qui n'y ont pas accès. Au moyen d'une analyse secondaire, conduite avec Muriel Letrait, des données de l'enquête DÉFIS (Dispositif d'enquêtes sur les formations et les itinéraires des salariés), enquête par questionnaire auprès de salariés du privé et de responsables d'entreprises mise en place par le Céreq et le CNEFP, je m'attacherai à interroger les motifs qui font que certaines personnes n'ont pas eu recours à la formation. Si les caractéristiques des non-accédants sont pour partie le décalque de celles des accédants,l'analyse de ces données montre qu'il existe une frange de la population qui ne souhaite pas se former et qui n'est pas pour autant caractérisée par un manque de qualification ou une distance à l'emploi. Les personnes ainsi regroupées font-elles acte de résistance à l'injonction à se former ?
Références en ligne de l'auteur sur le sujet :
Lescure (de) E., Letrait M., 2019, « Le non-accès à la formation : quels profils ? », in Carloni P., Lambert M., Marion-Vernoux I., Tallard M. (coord.), Parcours professionnels et formation : des liens renouvelés, CNEFP, Céreq Échanges, n° 9, p. 31-36.
http://www.cereq.fr/content/download/22580/193361/file/Céreq%20Echanges%209.pdf
Lescure (de) E., 2017, Apprendre à travailler à tout âge, pour qui et pour quoi ? Introduction au dossier « La formation continue, entre droit personnel et injonction sociale », Sociologies pratiques, n° 35, p. 1-9. https://doi.org/10.3917/sopr.035.0001
Lescure (de) E., 2011, De la « seconde chance » à la « sécurisation des parcours professionnels » : les ambivalences du développement de la formation continue, Introduction au dossier « L'essor de la formation continue », Regards sociologiques, n° 41-42, p. 6‑13.
http://www.regards-sociologiques.com/image/numeros/2011/rs_41-42_2011_1_lescure.pdf